Fruit d’une réflexion collective menée depuis 2023 avec l’ensemble de sa communauté, le manifeste de l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais – PSL définit le positionnement de l’école et les grandes valeurs qui l’animent. Il affirme l’urgence de former des architectes capables d’invention, au service d’une manière plus durable, plus humaine et plus juste d’habiter le monde. Sa publication intervient au moment où l’école devient composante de l’Université PSL.

Le manifeste s’articule autour de douze notions fondamentales pour l’école. Il servira de référence pour guider les orientations stratégiques de Paris-Malaquais pour les années à venir, en articulation avec la Stratégie nationale pour l’architecture 2025-2029.

« Ce manifeste n’est pas une simple déclaration d’intention, c’est notre engagement. Il exprime notre volonté de former des architectes non seulement techniquement compétents, mais surtout dotés d’une sensibilité humaniste et d’une audace créative. Dans un monde traversé par de multiples crises, notre responsabilité est de transmettre ce qui ne se périme pas : la capacité à questionner, à résister et à inventer. »

– Jean-Baptiste de Froment, directeur de l’École d’architecture Paris-Malaquais – PSL

À l’aube du XXIe siècle, l’École d’architecture Paris-Malaquais est née de la volonté d’un collectif d’architectes et d’enseignant(e) s de s’affranchir de tout dogme pour privilégier une approche expérimentale, pluridisciplinaire, et résolument ouverte de l’architecture. Il s’agissait d’inventer, sur le site historique de l’enseignement de l’architecture, à l’endroit même où avait pu prévaloir, autrefois, une forme d’académisme, un espace de liberté nouveau. En quelques mois, des centaines d’étudiant(e)s choisissaient de rejoindre l’école, avant même que les autorités de tutelle, placées devant le fait accompli, ne songent à lui donner une existence officielle.

Cette aspiration à faire et penser par soi-même, cette vision de l’architecture comme un acte de liberté toujours à recommencer nous anime encore aujourd’hui. Nous la croyons même plus actuelle et légitime que jamais. À l’heure où, face à la crise écologique et aux révolutions technologiques, face aux bouleversements sociétaux et aux nouvelles menaces qui pèsent sur la démocratie, toutes les certitudes volent en éclat, il est urgent de relancer la réflexion et rouvrir le champ des possibles : pour inventer de nouvelles façons plus durables, plus humaines aussi, d’habiter le monde ; pour retrouver le sens de l’utile et du commun ; pour réaffirmer, enfin, la place de la création et de tout de ce qui est singulier.

Loin de toute conception corporatiste, nous croyons que l’avenir de l’architecture passe par une ouverture d’esprit maximale, la rencontre avec les ordres les plus divers de réalité. Nous assumons de nous démarquer ainsi d’une certaine tradition de l’enseignement de l’architecture en France, qui a longtemps vécu dans une sorte de vase clos, presque à l’écart. Nous pensons que l’un des principaux dangers qui guette aujourd’hui notre discipline est l’isolement. Pour pouvoir peser dans le monde, convaincre de la pertinence des solutions qu’elle propose, elle doit s’ouvrir, se confronter à l’altérité : au sein du monde académique comme dans la société en général. Cela suppose le maximum de diversité dans les profils des étudiant(e)s que nous recrutons : diversité sociale, culturelle, géographique. Personne ne doit se sentir étranger à Malaquais. Ce n’est pas seulement une question de justice, c’est aussi la condition de l’excellence.

Nous voulons préparer nos étudiant(e)s au monde de demain celui que nous ne connaissons pas encore et qu’il leur appartiendra d’imaginer et de construire. Nous privilégions le développement de l’imagination et de l’esprit critique pour permettre, au terme d’un parcours qui demande du travail et de la persévérance, de tracer son propre chemin. Plutôt que de chercher à s’adapter à la mode du jour, nous voulons transmettre ce qui ne se périme pas : une sensibilité à l’espace et au temps, une capacité de réflexion et de résistance à l’époque, une curiosité toujours en éveil, une attention aux autres et à tout ce qui donne son prix à l’existence.

La liberté s’apprend. Notre conviction, même, est qu’elle est inséparable d’une vaste culture, la plus vaste possible. S’il est une matière universelle, à laquelle rien ne doit demeurer étranger, c’est bien l’architecture : science constituée d’une multiplicité de disciplines, nourries par les connaissances les plus variées, disait déjà Vitruve au premier siècle de notre ère. En devenant composante de PSL, l’une des meilleures universités généralistes du monde, Paris-Malaquais – PSL choisit de rester fidèle à cette ambition encyclopédique de l’architecture, et de la porter plus loin encore. Nous voulons offrir à nos étudiant(e)s tout l’éventail des domaines couverts par l’université : arts et design, sciences dures et ingénierie, en passant par l’histoire, l’économie et la gestion, la philosophie, la littérature ou la sociologie. Nous voulons multiplier les doubles diplômes et encourager toutes les formes d’hybridation susceptibles de servir le projet architectural.

Nous revendiquons, pour nos enseignant(e)s comme pour nos étudiant(e) s, le droit à l’expérimentation. S’il y a bien un mot qui nous rassemble, c’est celui-ci. Élaborer des hypothèses nouvelles, puis les mettre à l’épreuve du réel : nous croyons que c’est ainsi que l’on fait progresser la connaissance, ainsi que l’on apprend, ainsi aussi que l’on se prépare à la vie professionnelle. Nous encourageons chacun à imaginer, à prendre des risques : parce que les échecs instruisent davantage que la réussite ; parce que l’époque, qui bouleverse nombre de certitudes que nous avions sur l’architecture, l’exige.

La recherche joue dans notre école un rôle fondamental. Non seulement parce que nous voulons contribuer au nécessaire renouveau de l’architecture, confrontée à des bouleversements écologiques, technologiques et sociétaux sans précédent ; mais aussi parce qu’à notre sens il n’y a pas formation valable sans lien fort avec la recherche, sous toutes ses formes : recherche fondamentale, recherche appliquée, recherche-création. Nous voulons que dès la fin de la licence, nos étudiant(e) s soient initiés à la recherche en train de se faire, familiarisés avec ses objets, comme avec ses méthodes. Nous faisons nôtre l’idéal humboldtien d’unité de la recherche et de l’enseignement dont se réclame l’Université PSL

Nous sommes attachés à la pluralité des façons de voir et de faire et à la diversité des profils étudiants et enseignants. Et nous voulons former à l’ensemble des métiers de l’architecture : maîtrise d’œuvre, bien sûr, mais aussi maîtrise d’ouvrage, scénographie, recherche, médiation… C’est la raison pour laquelle nous sommes, depuis l’origine, organisés en « départements ». Un département est un groupe pluridisciplinaire d’enseignant(e)s qui fait le choix de se rassembler autour de centres d’intérêt partagés, d’une approche commune de l’architecture. Les uns privilégieront par exemple la dimension politique et sociale, les autres s’intéresseront davantage à la question constructive et au choix des matériaux, d’autres encore mettront l’accent sur le problème de la réhabilitation et du réemploi… Les départements ont vocation à évoluer, dans leur nombre comme dans leurs objets, au cours du temps, en fonction de la situation du monde autant que des aspirations de leurs membres. Cette organisation plurielle offre une grande liberté de choix à nos étudiant(e)s, et la possibilité pour eux, après avoir acquis les fondamentaux de l’architecture en licence, de construire leur propre parcours à partir du master.

L’architecture est une œuvre de l’esprit, mais d’un esprit engagé dans l’espace et le temps, à l’écoute de la société et des individus, conscient des contraintes matérielles et économiques. Comme les autres écoles d’architecture françaises, nous défendons par conséquent une pédagogie centrée sur le projet architectural. Les échelles et les contextes peuvent être très différents, de même que la nature des interventions imaginées : de la scénographie de théâtre ou d’exposition à l’aménagement d’un vaste territoire, en passant par la construction neuve ou la réhabilitation d’un ensemble patrimonial. À chaque fois, cependant, il s’agit de partir d’une situation donnée pour se tourner, concrètement, vers l’avenir.

Nous sommes soucieux de la santé et du bien-être de nos étudiant(e)s. Nous voulons créer les conditions, non pas simplement de leur réussite académique, mais également de leur épanouissement physique et moral. Nous croyons à l’importance du travail et à la nécessité d’être exigeant. Mais nous savons qu’il n’y a pas d’exigence sans bienveillance, ni de réussite possible pour nos élèves sans un équilibre de vie. Nous voulons permettre à chacun de se cultiver, de pratiquer une activité physique, et de se reposer quand il a besoin. À Malaquais, nul ne doit être empêché d’étudier en raison ou de son handicap ou de difficultés financières éventuelles. Nous luttons activement contre toutes les formes de discriminations et de harcèlement et nous engageons à respecter chacune et chacun dans ce qu’il est et ce à quoi il aspire.

Nous croyons à l’actualité du dialogue entre l’architecture et les autres arts. Nous savons que dans l’histoire, les grandes révolutions culturelles ont toujours été le fruit d’une forme d’action concertée entre toutes les disciplines créatrices. C’est pourquoi nous sommes désireux d’explorer toutes les possibilités de collaboration avec notre voisine, l’École des Beaux-arts de Paris, et plus largement avec toutes les écoles d’art composantes ou partenaires de PSL : l’ENSAD, le CNSAD, le CNSMD et la Fémis. Nous devons tirer profit de nos différences, pour imaginer, dans le respect des identités de chacun, des projets de création et recherche communs.

Nous revendiquons notre implantation sur le site historique de l’enseignement de l’architecture, que nous partageons avec les Beaux-arts de Paris. C’est de lui que nous tirons notre nom, Malaquais, et nous ne pourrions être nulle part ailleurs. Cette implantation fait de nous les dépositaires d’une histoire unique. Ce lieu a en effet vu défiler, depuis le début du XIXe siècle, des générations d’architectes qui ont joué un rôle décisif dans l’évolution du cadre de vie, en France et dans le monde entier. Il nous appartient, non seulement de valoriser et de transmettre cette histoire, mais aussi d’y puiser une partie des ressources dont nous avons besoin pour inventer l’avenir.

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