23 Mar 2022
Chloé Delaume œuvre à se réapproprier son corps dans ses écrits. Le corps est d’abord représenté comme un marqueur socialisé, issu d’un dressage. Dans un deuxième temps, la peau acquiert une importance certaine. Pensée comme une trappe, elle devient la source de mythologies (classiques et personnelle). Enfin, dans un troisième temps, l’étude des organes permettent à l’autrice de naviguer comme sur des îlots afin de se remémorer. Nous dresserons donc une cartographie interne du corps delaumien pensé comme un lieu d’habitation. Delaume explique avoir commencé à habiter son corps lorsqu’il était encore insalubre. Son corps se fait l’hébergeur de son écriture : « Voilà maintenant dix ans que mon laboratoire affiche Autofiction résidence principale. Sans que j’aie établi le moindre état des lieux. Consulté le cadastre, sondé les fondations. [1] » L’écrivaine superpose l’organicité du corps à l’univers biomédical : « Dans mon laboratoire, le givre recouvre tout. L’effroi souffle en mon antre, période de glaciation. J’observe mes alambics et mes tubes à essai. [2] » En ce sens, faire de son corps un laboratoire c’est le penser comme support à, objet de et sujet pour l’écriture. Notre communication vise donc à analyser le traitement du corps en tant qu’architecture offrant un espace dédié à l’écriture et à sa subversion. « De cette subversion, l’autofiction est désormais l’ultime laboratoire : le laboratoire de la déconstruction, de la dissémination, de la prolifération folle des Je. Mais ce laboratoire n’est pas celui d’un savant fou : les expériences qui y sont menées portent bien au-delà de la littérature. [3] »
[1] Chloé Delaume, La règle du Je, Editions PUF, Paris, 2010, p. 4.
[2] Ibid. p. 19.
[3] Ibid. quatrième de couverture.
Spécialiste des écritures à la première personne, Eugénie Péron-Douté inscrit ses travaux à l’intersection de la littérature, des arts contemporains et des études de genre. Elle s’intéresse notamment au traitement du corps en tant que matière première de création afin de montrer la performativité de l’autofiction. Elle enseigne la littérature à Paris 3, elle dirige un atelier d’arts plastiques à Paris 8 et a donné des ateliers d’écriture créative à l’Université de Guelph, Canada.
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